dimanche 3 novembre 2013

  AUGUSTE SABATIER                                                           Commencé le 21/01/2013

                                                           Introduction

   J'ai terminé Filum Arianum sur le souvenir, par Paul Sabatier, d'une émouvante leçon d'Auguste Sabatier à ses étudiants de Paris. Mon dernier cours à la Faculté de  Théologie de Tananarive en 2003 fut consacré au même Auguste Sabatier. C'est dire que je veux arrêter là mon enseignement théologique.
  Il y a bien d'autres personnages venus plus tard et importants pour moi, à commencer par Adolphe et Etienne Causse, et Paul Sabatier. Pour qui connaît mon père et mon grand-père, ils sont la référence pastorale par excellence. Paul Sabatier fut aussi savant, et aussi illustre que son homonyme Auguste. mais il n'est pas un maître et considéra lui-même Auguste comme son "Maître bien-aimé".
   Au-delà de leurs différences de caractère et d'opinion, une différence rend le choix inévitable si l'on cherche son guide en Théologie: Il y a trop de secret dans la carrière de Paul Sabatier. Sa vie est passionnante, et confine au roman policier pour pénétrer les méandres de la politique cléricale, tout en déjouant l'espionnage, qui le poursuivait parfois en essayant d'utiliser ses enfants. Mais tout cela ne fait pas un maître à penser. De plus, les circonstances m'ont amené à me concentrer sur un problème scientifique particulier, que j'ai jugé capital, et concernant sa thèse sur saint François d'Assise.  Après cela, à bientôt 89 ans, je ne peux plus envisager les voyages et les recherches qui seraient nécessaires pour une biographie complète. Et puis, comment dire, je suis "brûlé". J'ai eu la chance, avec le Père Damien Vorreux qui s'est peut-être aussi brûlé pour moi, de trouver tous les éléments nécessaires à la solution de mon problème: briser un complot de haute tricherie érudite ayant pour but de démolir la thèse fondamentale de Paul Sabatier sur la manière dont la hiérarchie romaine avait muselé saint François. Cette biographie sera un best-seller de l'avenir.
     Il y a tout autant de secrets dans le Protestantisme et ils pèsent sur son Histoire.
   Mais avec Auguste Sabatier, rien n'est secret. C'est un homme public. Des secrets le concernant, oui.  C'est en 1972 que j'ai découvert la part prise par Tommy Fallot et la Direction de la Société des Missions de Paris dans une lutte secrète contre l'influence d'Auguste Sabatier. J'ai publié cela dans la Revue des Etudes Théologiques et Religieuses de Montpellier(XLVIII,1973, p.435-471: Le combat de T.Fallot) Mon titre primitif, le secret de TF, avait été corrigé par l'éditeur.  Le pasteur Eugène Bersier, qui avait contribué à la création de la Faculté de Théologie de Paris en 1877, et confiait au professeur Auguste Sabatier la Direction de son Ecole du Dimanche à la paroisse de l'Etoile, agissait secrètement contre Sabatier au Comité Directeur des Missions, pour faire interdire aux futurs missionnaires de suivre les Cours de Sabatier, à la Faculté, toute proche. Cependant Sabatier ne tarissait pas d'éloges et de témoignages d'amitié pour Bersier... Enfin, qui se donnera la peine de lire mon article de Montpellier y trouvera mention d'un jeune "pasteur de la Vallée du Rhône" ayant rendu visite à T.Fallot, car Sabatier le pressentait pour créer à Tananarive un enseignement supérieur de Théologie rattaché à l'Université de Paris. Fallot, après une réaction violente, prit le train pour Paris le soir même pour une rencontre secrète au Comité Directeur des Missions: Là, j'avais des moyens de recherche: ce ne pouvait être que le jeune Etienne Causse, le seul à pouvoir porter ce titre donné dans le compte-rendu du Comité Directeur des Missions. C'était en 1898. On comprendra que je ne puis prétendre à l'objectivité scientifique. Je m'arrête donc ici.
A d'autres d'étudier les manoeuvres d'un oecuménisme officiel soucieux d'en imposer la base trinitaire, qui risque de vider de ses Protestants un Protestantisme hérité de sa longue résistance, et de se trouver aujourd'hui sans voix devant l'Islam. Quand on parle des TROIS religions monothéistes, Chrétiens, Juifs, et Musulmans, C'EST QUE LE PROTESTANTISME N'EXISTE PLUS.
  Car, vis-à-vis de l'Islam, le Protestantisme est essentiellement différent du Catholicisme, même s'il l'oublie. Au moment de sa mort, Sabatier préparait un voyage en Egypte, avec un rendez-vous avec le Cheikh Mohammed Abdou, recteur de l'université Al-Azhar. Celui-ci écrivait du Protestantisme:

   Cette école arriva dans sa réforme à un point qui ne s'éloigne que peu de l'Islam; et même certaines sectes, qui en sont issues, sont parvenues à une croyance qui concorde avec celle de l'Islam, sauf en ce  qui concerne la reconnaissance de la mission de Mohammed; ce qu'elles professent ne diffère de l'Islam que par le nom et les rites, mais non par l'esprit.
(Risalat at-Tawhid, 1897 trad. Michel, 1965,  p.132)

  A présent, il y a des choses, dans l'Histoire de cet oubli, qu'il FAUT oublier. Le passage des générations en est une bonne occasion. Pour cela aussi, Auguste Sabatier peut être pris pour maître.
                                                                  I     L'esprit.

  Dans sa critique de la biographie du Cardinal Manning par Francis de Pressensé(1896), Sabatier écrit ses pages les plus célèbres, sur sa "Mère l'Eglise", qui fournirent à Charles Bost la conclusion de sa classique Histoire des Protestants de France(1924), plusieurs fois rééditée.
   
     Dieu m'a donné une mère qui n'était qu'une humble montagnarde. Je veux parler de l'Eglise des Cévenols, Eglise de pâtres et de paysans qui, persécutés atrocement pendant deux siècles par cette Eglise...une, infaillible, tant admirée par [certains], a vécu sans sacerdoce ni sacrements, sans infaillibilité, sans pasteurs même, uniquement avec la Bible au foyer de la famille et le témoignage du Saint-Esprit au fond du coeur.
      Dans sa misère, sa détresse, son ignorance, cette mère, qui longtemps n'eut d'autres refuges que les gorges des bois ou les cavernes des montagnes, n'en a pas moins enfanté de fortes générations de chrétiens vivants qui s'efforcent depuis un siècle de lui donner ce qui lui manque...Je ne saurais dire ce que j'éprouve pour elle de reconnaissance et de piété filiale quand je songe à ces deux choses que j'ai trouvées dans son héritage, et que je tiens pour les plus grands biens d'ici bas: l'Evangile et la liberté.(Revue Chrétienne, 1/11/1896)
                               
    Pour compléter ce tableau, il faut dire la vénération de Sabatier pour sa mère. Elle est dans le filigrane, avec toutes les grands-mères huguenotes qui ont appris à lire aux enfants sur leur Bible de famille; grâce à quoi, au temps des langues régionales, ils savaient le français, la langue du temple avant de devenir pour eux la langue de l'école publique. On pense aussi à la formule par laquelle Emile-G. Léonard ouvre son livre Le Protestant français (1953): "Le Protestant français est un noble."
Ainsi Sabatier s'exprime-t-il en mariant sa fille ainée, en 1899:

  Notre famille n'est ni noble de nom, ni riche de fortune. Mais s'il y a quelque noblesse dans la dignité modeste de la vie, dans une tradition soutenue à travers plusieurs générations de labeur honnête, de droiture et d'honneur, vous ne dédaignerez pas cet héritage... (John Viénot, Auguste Sabatier, 1927, p.11)

  Quand, en 1863, il eut fini brillamment sa licence en Théologie à la Faculté de Montauban, avec une Thèse sur La personne de Jésus dans les trois premiers Evangiles, devant un jury dont pas un membre n'était docteur, la question de son avenir se posa. On lui conseilla d'aller passer un an en Allemagne. Il fallait de l'argent. Sa mère lui dit: Il y a mille francs dans la maison. Prends-les.
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  Quand on a lu la belle biographie d'Ernest Renan publiée récemment par M.Van Deth, on ne peut manquer de remarquer un réel parallélisme de leurs origines et de leurs vocations. Et même crise en face du fossé qui sépare du monde culturel la religion du peuple chrétien.
  Pour avoir affronté ce problème, Renan se mit à dos toute la hiérarchie catholique dont se trouvait déshabillée l'incompétence théologique. Le même problème a détruit l'influence de Sabatier dans le Protestantisme, avec des différences qui sont réelles et tiennent à la différence des contextes, mais avec une identité de fond. L'orthodoxie ecclésiastique  a régné sur la Faculté de Théologie de Montauban, grâce à la démocratie électorale. Que demande le peuple ignorant ? Des pasteurs pieux, qui prêchent bien, notamment aux enterrements. Ainsi sont nommés professeurs des pasteurs distingués, chaleureux, et sont écartées les candidatures savantes. L'idéologie adaptée au système, c'est que la science est dangereuse pour la foi, et cette idéologie reste puissante aujourd'hui encore.
   Auguste Sabatier est né dans ce milieu piétiste et il a aimé cette mère ignorante au dévouement sans borne, la sienne d'abord, puis Madame Sardinoux, femme du Doyen de Montauban, véritable mère des étudiants. Il n'aimait pas Michel Nicolas, le seul savant de la Faculté, seul docteur, seul titulaire, avec toutes les conséquences morales qu'on devine entre collègues. Il n'aimait pas Renan.
   Mais il avait,lui aussi, la passion de la vérité. Et le génie qui trouve. Il fut nommé à la Faculté de Strasbourg en décembre 1868 comme candidat orthodoxe, puisque venant de Montauban, et donc reçu avec une méfiance  courtoise, qu'il désarma par ses talents et par son charme. Sa Thèse de Doctorat sur L'apôtre Paul, esquisse d'une histoire de sa pensée, soutenue le 9 avril 1870, fut un évènement à tous égards. Scientifique d'abord, je l'ai dit dans Filum Arianum. L'idée d'une évolution dans la théologie de Paul peut nous paraître évidente aujourd'hui. Elle ne l'était ni pour Edouard Reuss et Timothée Colani, dans son jury, ni pour personne. Mais ils rendirent un hommage éclatant à la soutenance du nouveau docteur. Evènement moral ensuite. La guerre qui éclate trois mois plus tard et le désastre en retarderont la manifestation: Les libéraux seront les premiers à comprendre qu'objectivement il était, malgré ses dénégations, passé de leur côté, et parmi eux les Wust, la belle-famille de Paul Sabatier.  John Viénot raconte à ce sujet(p.351) une conversation avec Auguste Sabatier de M.Wust, père d'Emma Wust et de Léna Sabatier: "De quel parti êtes-vous ? -Je m'efforce de marcher sur la crête du toit - Prenez garde, vous ferez la culbute de notre côté".
  Edouard Reuss y alla carrément et déclara un jour (ibid. p.346): "Sabatier sera, dans la France protestante, le théologien le plus distingué, le critique le plus éminent, le plus apprécié apôtre de la vraie religion, celle de l'Evangile, celle du Christ."
  L'opinion orthodoxe mettra un peu plus de temps à classer Sabatier. Le moment décisif se situe sans doute à la Conférence de Rouen, le 8 Novembre 1876. La masse du Protestantisme ne pouvait se résoudre à la scission qui s'était produite au Synode National de 1872. Celui-ci avait été bien préparé par Guillaume Guizot, fils du célèbre historien et homme politique, étant bien placé pour cela au Ministère des Cultes. Chaque paroisse étant représentée au Synode par un pasteur et un laïc, la loi électorale donnait le même poids aux paroisse historiques telles que Nîmes et des petites paroisses récemment issues des mouvements d'évangélisation. Grâce à quoi le parti orthodoxe obtint une majorité de 60 voix contre 45 pour réclamer d'adhésion individuelle des pasteurs à la Confession de foi de La Rochelle de 1571. Les Libéraux se sentirent floués. Certains partirent. Pour le peuple lui-même, c'était un désastre moral. Ce fut l'objet de la Conférence de Rouen, que d'arriver à une réconciliation, et l'orateur désigné pour le grand discours fut Auguste Sabatier.
  Il le fit, dans son style émouvant et simple autant qu'érudit, et il obtint un accord unanime sur les deux points suivants: 1°- Le synode national était légal. Certes, il avait commis une faute en réclamant au Gouvernement d'imposer à l'Eglise Protestante une loi dogmatique; mais puisqu'elle avait été votée, les Protestants devaient la respecter, et les pasteurs, en particulier, ne jamais l'attaquer publiquement.
  2°- La majorité du Synode pouvait changer à l'avenir les décisions de 1872, étant souverain.
   Un mois plus tard, le parti orthodoxe, réuni à Lille le 9 décembre, fit machine arrière, considérant les décisions de 1872 comme définitives. Seul devait compter le Synode de 1872.
   Ainsi s'organisèrent le "Synode Officieux", orthodoxe, qui prit bientôt le titre officiel "évangélique", et une "Délégation Libérale", dont bien des membres s'affirmaient "Libéraux évangéliques", système qui fonctionnera jusqu'à la Séparation des Eglises et de l'Etat en 1905.
  Sabatier avait perdu. Il n'admit jamais qu'il fût devenu libéral. Il demanda toujours aux étudiants sortant de la Faculté de signer la Déclaration de Foi du Synode de 1872. Mais il ne lui appartenait pas de définir l'orthodoxie protestante.   A qui, au fait, si ce n'était pas au Synode National  ?

                                                               II. L'enseignement.

En 1897, la Faculté de Paris rend éliminatoires le grec et l'hébreu aux examens. Le Doyen Sabatier s'en explique lors de la cérémonie d'ouverture:

   Théologiens protestants, devons-nous accepter cette subordination de notre intelligence à l'interprétation de traducteurs, si distingués soient-ils ? Nous laisserons-nous remettre sous le joug d'une vulgate par impuissance de lire les livres originaux de la Bible? Ne sentez-vous pas que cette faculté que je vous demande d'acquérir, de remonter au texte primitif, c'est la garantie même de votre liberté chrétienne et que le jour où, par notre faute, nous l'aurions perdue, il n'y aurait plus de théologie protestante.
  Comment, par exemple, sans cette connaissance du grec et de l'hébreu, feriez-vous jamais un peu d'exégèse grammaticale et historique? Combien de choses claires dans l'original deviennent obscures dans une traduction et combien de choses tranchées dans une traduction sont indécises dans l'original ! Essayez de saisir la différence, en français, des mots sάrkinoς  et sarkikός (1 Cor. III,1-3) ....

  Ayant eu l'occasion de lire l'opinion de Maurice Goguel, que la distinction était insignifiante, et incompétent moi-même pour la saisir, j'ai demandé à mon ami le Missionnaire Panayotis Meletopoulos, ancien grand avocat en Grèce, de me l'expliquer, car, dans toutes les traductions françaises, les deux mots sont rendus par le même mot français: "charnel". Il s'est mis à rire.
-C'est vrai, la différence existe; elle est un peu difficile à expliquer. sarkikός est le mot philosophique opposé à pneumatikός , spirituel. Quant à sάrkinoς , vous le direz d'une belle fille, bien en chair.
- Nous dirions: "bien roulée"...
-Non; nous aurions pour cela des mots bien plus coquins. Simplement, vous aimez la regarder...

Muni de cette clé, reprenons le texte en question dans la traduction classique Segond:
  Pour moi, frères, ce n'est pas comme à des hommes spirituels (pneumatikός) que j'ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels (sάrkinoς), comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels (sarkikός).
En effet, puisqu'il y a parmi vous de la jalousie et des disputes, n'êtes-vous pas charnels (sarkikός) ?

Tout est clair; puisqu'on se dispute à Corinthe entre partisans de Paul et partisans d'Apollos, on est  sarkikός et non pas encore un chrétien pneumatikός. Et nous voyons en même temps Sabatier se tenir "sur la crête du toit" entre "orthodoxes" et "libéraux", comme il disait au beau-père de son homonyme Paul Sabatier, M.Wust de Strasbourg. Plusieurs des disciples d'Auguste Sabatier tentèrent comme lui de refuser l'étiquette "libérale" et de rester "sur la crête du toit". Pas facile...
  ...D'autant moins que les non-professionnels de la controverse faisaient parfois d'étranges erreurs. Ainsi, au dire de J.Viénot (A.Sabatier, p.243) ceci d'Albert Réville, la bête noire des "Orthodoxes":
 
   Prêchant un jour à Montbéliard, A.Réville obtint d'une vénérable auditrice orthodoxe ce certificat d'édification: "On voit bien que c'est là un de nos bons pasteurs évangéliques. Les autres ne prêchent pas ainsi." Elle ne fut "scandalisée" que quand elle sut le nom du prédicateur.

   Disons que la plupart des auteurs parlant de Sabatier l'ont considéré comme "libéral", et beaucoup de Libéraux se sont réclamés de lui. Mais ceux qui l'ont très bien connu ont toujours protesté. Et surtout lui-même a toujours récusé ces partisans libéraux, qu'il insinuait ainsi comparer aux disciples corinthiens de Paul: saint Paul lui-même les récusait: vous n'êtes pas encore vraiment spirituels...   Ce qui est vrai, c'est qu'il n'a jamais considéré les ténors du libéralisme comme des pestiférés de l'Eglise. Il est toujours resté un ami pour Ferdinand Buisson, Jules Steeg, Félix Pécaut, Albert Réville.
  Passons. On retiendra que Sabatier connaissait admirablement le grec, son importance pour un pasteur, et il se montrait en conséquence très exigeant.
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  Il n'était pas moins exigeant sur le plan de la piété. C'est ici l'héritier de la vieille mère cévenole qui parle, et s'exprime à la leçon d'ouverture de 1894,son premier discours en tant que doyen, et cite saint Paul qui vient, justement, de rappeler à Timothée la foi de sa grand-mère Loïs (en grec mammh, mamie!) et de sa mère Eunice (2 Tim. 1,5-6)  :

   Je n'ajouterai plus qu'un mot, et ce mot sera pour vous, Messieurs et chers étudiants. C'est un mot laissé par l'apôtre Paul à un étudiant du premier siècle de l'Eglise, à son fidèle disciple et successeur Timothée:(bien sûr, il cite en grec,puis traduit) Rallume chaque jour le don de Dieu qui est en toi. Ce don spirituel qui vous met à part et qui vous sanctifie non seulement entre les autres étudiants de l'Université de Paris, mais entre tous les membres de nos églises, c'est la vocation intérieure que vous avez reçue de Dieu et à laquelle vous avez librement obéi en venant ici: la vocation au ministère évangélique. L'appel de Dieu a jailli dans votre conscience religieuse comme une faible étincelle d'abord, et puis vous a brûlé comme un feu divin auquel vous n'avez pu résister. C'est ce feu qui doit vous réchauffer, vous éclairer et vous purifier tout le long de vos études. Ne le laissez pas s'éteindre; vous vous trouveriez dans le froid, dans la nuit et dans la vie mauvaise.
    Le moyen de l'entretenir et de le rallumer sans cesse, c'est d'avoir toujours le regard de votre âme attaché à l'idéal de ce ministère sacré, idéal si parfaitement incarné dans la personne de Jésus-Christ, réalisé dans sa double oeuvre de guérison et de prédication, consommé et glorifié d'une gloire divine dans le sacrifice de sa mort. C'est à cet idéal du ministère évangélique que notre maison est consacrée. Il doit inspirer d'un bout de l'année à l'autre tout l'enseignement des maîtres, toutes les études des élèves.
    Que rien ne vienne jamais en abaisser la dignité ou en voiler l'éclat devant votre conscience ! Souvenez-vous que le ministère du pasteur n'est pas le lot des mercenaires. On l'a défini avec raison la plus belle, la plus haute des vocations et le dernier des métiers (Frédéric Monod). Vous ne le réduirez pas davantage à un correct et respectable fonctionnarisme ecclésiastique où l'attachement aux formes dogmatiques et liturgiques remplacerait l'amour de la vérité et l'amour des âmes. Voulez-vous un signe infaillible auquel vous reconnaîtrez la réalité de votre vocation ? Vous le trouverez dans ce double amour, et voilà pourquoi nous pouvons la fortifier, la rallumer en nous, car l'amour de la vérité et l'amour des âmes est un feu qui s'alimente par la prière et par notre communion directe avec Celui qui est le foyer de toute vérité et de tout amour. Il n'est pas de code fixe du ministère évangélique. Son principe, son obligation intérieure, sans laquelle il se dessèche et se stérilise, c'est d'aller au-delà du devoir extérieur et de l'obligation formulée. "Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, disait le Christ à ses apôtres, dites-vous que vous n'êtes que des serviteurs inutiles." La vie pastorale n'est ce qu'elle doit être que si elle est une vie incessamment soulevée au-dessus d'elle-même par l'inspiration de l'amour.
   Mais qu'elle est douce et bénie, ainsi comprise et ainsi vécue, la mission du pasteur telle que je me plais à me la figurer, surtout à la campagne, dans le plus humble de nos villages! S'y poser non en maître tranchant et dominateur, mais en ami discret et en conseiller prudent, ne rester étranger à rien de ce qui agite, afflige ou peut relever la vie des plus pauvres et des plus ignorants, se donner à tous, sans se livrer à personne, savoir se garder des vains commérages et pourtant être en intime communion avec chacune des âmes qui lui sont confiées, prêcher, avec la liberté d'une conviction sûre d'elle-même et dégagée de tout formulaire insipide comme de tout patois dévotieux, la Parole éternelle du Dieu intérieur, apporter en son nom le pardon à ceux qui ont failli, la raison à ceux que l'imagination ou les sophismes égarent, la patience et la paix à ceux que l'épreuve ou révolte ou abat; faire luire la douce lumière de l'Evangile dans la nuit de l'ignorance, du péché et de la mort; apparaître toujours comme un secours à la faiblesse, sans être jamais une menace pour la liberté ni la dignité de personne; dépouiller dans ses visites et dans ses oeuvres tout cléricalisme et toute mondanité; donner l'exemple d'une piété sans bigoterie, d'une foi sans intolérance, d'une religion vraiment laïque et libératrice, sanctifiant toutes les formes de la vie normale et réalisant dans l'idéal chrétien l'idéal même d'une haute et pure humanité: croyez-vous que, s'il y a des existences plus enviables au point de vue matériel que celle-là, il y ait sous le ciel une mission plus haute, un emploi de la vie qui soit plus digne d'exciter un saint enthousiasme et, quand viendra le terme, qui laisse dans l'âme plus de paix et de douceur !
   Ne dites point que cette image du pasteur de campagne est une chimère. je l'ai vue réalisée dans la vie d'Oberlin, de Félix Neff, et de beaucoup d'autres moins connus des hommes, mais connus de Dieu.

  Nous ne pouvons ici multiplier les textes semblables -encore qu'ils mériteraient une anthologie- où apparaît la vision très familiale de la vie chrétienne chez Sabatier, et dans ce contexte la place qu'y tient la vocation du pasteur. La vocation du professeur, et en particulier du professeur de Théologie Pratique, est une variation sur les thèmes précédents, et il s'en explique dans une lettre à la Délégation Libérale du 1er septembre 1895 conservée aux Archives de l'Oratoire du Louvre. C'est lui le "professeur principal". Le maître dont il rêve doit être chez lui dans tous les domaines de la vie et de la Théologie que le pasteur doit connaître et si possible maîtriser, s'il veut n'être jamais l'homme d'un parti, mais être tout simplement sincère avec ses paroissiens.
  Aussi tient-il a y associer tout le monde. C'est lui, et son collègue Frédéric Lichtenberger, qui ont inauguré à Strasbourg dès son arrivée en 1869 les groupes d'Ecole du Dimanche. Qui n'a pas compris que le personnage essentiel, dans ce système, c'est le moniteur ? Il est obligé de travailler, il est obligé de répondre selon son coeur aux questions de l'enfance; et enfin, s'il n'est pas d'accord avec le pasteur, c'est lui qui a le dernier mot, provisoire, avec l'enfant, et Dieu fera le reste. Ainsi se forme une élite responsable et cultivée. Un témoignage de première main sur cette Ecole du Dimanche de Strasbourg est venu d'Emma Wust, alors agée de 12 ans.
  Sabatier agit de même avec ses étudiants de Paris. Il dirige une Ecole du dimanche et encourage ses étudiants à devenir moniteurs. Autre innovation, il crée une Société de Théologie avec les étudiants, où l'orateur désigné présente un livre de l'actualité théologique, et l'assistance doit le critiquer. Et le Doyen s'installe sur la sellette à l'occasion... et demande les critiques: on devine l'embarras, d'avoir à critiquer le Doyen. Mais il insiste, et le débat finit par s'engager. Le cahier des séances se trouve à la Bibliothèque de la Société d'Histoire du Protestantisme. Nous avons aussi, dans les Archives de Paul Sabatier, un compte-rendu de sa causerie sur saint François d'Assise à la Société des Etudiants. Etienne Causse, qui en fut un temps le Sécrétaire, a évoqué aussi le rôle de Raoul Allier dans l'information missionnaire des étudiants.
  On peut voir une sorte d'aboutissement logique à cette méthode, et cette fois au niveau des pasteurs en exercice, avec la rencontre d'une quarantaine de pasteurs chez Paul Sabatier à Crest le 23 octobre 1899. Le thème, traité par Auguste Sabatier, était: "La théologie scientifique et la vie chrétienne". En fait, toute la rencontre tourna autour du problème du Catéchisme: Comment être sincère avec les enfants.
Il y eut une suite à cette rencontre, et cette fois bien dans l'esprit dont rêvait Sabatier, avec la Conférence évangélique libérale (1902) et la Conférence évangélique (1903, orthodoxe) évoquées dans Filum Arianum. Sabatier était mort en 1901.

                                                                III Les engagements.

Le 20 mars 1872, dernière réunion des Professeurs pour clore les registres de la Faculté de Théologie française de Strasbourg. Sabatier se trouve sans situation officielle et va vivre de leçons et conférences de littérature. Tout cela est décrit en détail par John Viénot. Il manque sans doute à son exposé une touche d'objectivité historique, pour indiquer  que la germanisation forcée n'a pas nui au rayonnement scientifique de la Faculté. Mais l'opération ne se fit pas sans douleur, Sabatier y joua un rôle symbolique en voulant rester à Strasbourg ausi longtemps que sa notoriété ne l'en ferait pas expulser, et ce rôle fut réactivé quinze ans plus tard avec l'arrivée de son jeune et brillant élève et homonyme Paul Sabatier (aussi nul en allemand qu'Auguste maîtrisait cette langue), adopté par la famille Wust où il épousa en 1888 Léna Wust. Aussitôt le mariage terminé, en allemand comme de droit, le maire ouvrit sa veste et fit apparaître son écharpe tricolore... Paul, lui aussi, réussit à se faire chasser. J'ai raconté cela dans la Revue des Etudes Théologiques et Religieuses de Montpellier (1991). L'homonymie servit les deux Sabatier en Italie et dans le monde anglo-saxon, et finit par aboutir à une intimité qui n'était pas évidente au début, mais dont rend compte finalement la rencontre pastorale de Crest, évoquée plus haut. C'est que l'un et l'autre, avec des talents et des caractères différents, n'ont pas cessé de penser à la Mère Cévenne.
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                                                          -Oecuménisme

Paul Sabatier a été compris, à bon droit, comme un apôtre de l'oecuménisme vis-à-vis de l'Eglise catholique. Le Doyen ne fut pas compris comme tel. Pourtant, lors des obsèques d'un de ses disciples les plus éminents, grand ténor du mouvement oecuménique, l'Archevêque suédois Nathan Söderblom, en 1932, le professeur Raoul Allier rappelait la place d'Auguste Sabatier aux origines du mouvement.
  Qu'en est-il exactement ? On trouve à la Bibliothèque d'Histoire du Protestantisme Français (Fonds Sabatier, carton n°2) le document suivant, non daté, avec ce titre:
                    Les deux catholicités.
  J'ai une double vision, la vision de deux catholicités, d'une catholicité qui s'en va et d'une autre qui arrive.
La première, c'est la catholicité matérielle et visible, qui a été un grand rêve. Le rêve de Grégoire VII, d'Innocent III et d'Ignace de Loyola, catholicité qui repose sur l'obéissance aveugle et passive, sur l'immolation de l'individu, catholicité de servitude et de mort, qui peut bien ployer les genoux et faire courber les fronts, mais laisse échapper les coeurs; catholicité où tout semble bien régulier et bien ordonné, mais de l'ordre et de la régularité des tombes alignées dans un cimetière.
   Grâces à Dieu, cette catholicité est brisée, et ne se reconstruira plus. Ses âmes les plus fortes et les peuples les plus vigoureux lui échappent. Elle se rétrécit et se diminue pour maintenir intact son principe. Le cri de Luther et des Réformateurs a réveillé le monde et le monde s'est mis à vivre et à marcher.
  Vous vous plaignez de l'unité perdue, du chaos engendré par le Protestantisme et la Liberté, des divisions et des querelles.
Mais d'où viennent ces luttes ? Croyez-le, ce sont les coeurs qui se réveillent, les individualités qui grandissent, l'explosion de la vie. Au milieu de cette agitation et de ces quelques grandes lignes, c'est l'image d'une catholicité nouvelle qui s'élève et qui grandit, invisible sans doute, mais réelle et sensible au coeur, et à la conscience. Depuis, toutes les barrières ont passé. Ceux qui d'un coeur droit aiment le Seigneur Jésus apprennent à se tendre la main et se trouvent unis dans une région supérieure; et c'est avec foi nouvelle et dans un sens supérieur que nous répétons à notre tour: Je crois à l'Eglise catholique, à l'Eglise universelle qui réunit autour de Jésus-Christ, librement et par la communion parfaite des coeurs, tous ceux qui l'ont aimé.

  L'oecuménisme de Paul Sabatier était bien différent. Essentiellement, il était par son père témoin de l'amour d'un peuple catholique pour son Eglise Catholique, l'antique institution à laquelle même un Ernest Renan reste fidèle alors qu'elle le condamne. Celle-ci n'a pas toujours été en position de force dans les régions protestantes de France, pendant les périodes révolutionnaires; l'amour de l'Eglise a pu s'y manifester à l'état pur, dans la clandestinité solidaire de la campagne. Les voisins protestants ont reconnu des frères dans ces résistants de l'autre bord. Cet amour de l'Eglise, il l'a trouvé aussi en Italie et il eut la joie de le faire comprendre à son illustre homonyme, lors d'une rencontre au séminaire de Pérouse en 1900. Il raconte aussi une cérémonie de prise de voile. L'évêque célébrant décrit tous les mérites que la jeune moniale va s'acquérir dans le Ciel à venir. Celle-ci éclate en sanglots... Après la cérémonie, Sabatier s'approche d'elle et lui demande pourquoi:
   -Mais c'est tout simplement que j'aime le Christ ! répond-elle.
   Nul plus que Paul Sabatier n'a été conscient, comme le Doyen, de ce cléricalisme qui fait ployer les genoux et courber les fronts. Mais, d'abord, il a constaté, comme un fait, qu'il pouvait s'agir d'un sacrifice volontaire, en communion avec le Christ "obéissant jusqu'à la mort"(Phil.2,8). Et ensuite que le Modernisme était un mouvement authentiquement catholique, et non pas un mouvement vers le protestantisme qui n'irait pas au bout de sa logique.
  Mais ils se sont rencontrés, au-delà de la haute érudition, dans l'accueil des prêtres qui sautaient le pas vers le Protestantisme. Le doyen les accueillait de tout son esprit fraternel comme étudiants, et ils furent jusqu'à 6 sur 29 parmi les étudiants inscrits à la Faculté de Paris. Paul était plus méfiant. La campagne protestante n'était pas plus accueillante pour l'étranger que la France ordinaire. La formation des prêtres les avait habitués  à "l'obéissance aveugle et passive" qui n'était pas le cas d'un paysan cévenol, ni d'ailleurs d'un saintongeais -les deux Sabatier eurent un admirateur éminent, en la personne du pasteur Benjamin Robert, de Pons, pour l'organisation d'un tel accueil.
  La différence apparaît clairement à propos de la destinée du Curé Alfred Philippot, de Plomion, à qui Pierre Petit a consacré en 1971 sa Thèse sur "Un curé de campagne disciple d'Auguste Sabatier".
Pierre Petit a traité en détail l'aventure émouvante de la conversion de Philippot. Mais il a ignoré le rôle réel de Paul Sabatier, dont on peut se demander s'il l'a même pris au sérieux. Paul Sabatier, conscient de l'importance publique à venir de ce passage de frontière, incita le Doyen à la prudence, et proposa que l'abbé étudiant vînt séjourner chez lui à Crest. Là, il pourrait vivre incognito dans le monde protestant de la campagne, connaître un pasteur éminent -qui n'aimait pas le Doyen, le pasteur Tommy Fallot de Sainte-Croix, entre Crest et Die, profiter de sa bibliothèque, et surtout correspondre avec Mgr Eudoxe Mignot, l'archevêque d'Albi, qui était ami de Paul Sabatier. Si, à la suite de contacts avec de telles personnalités éminentes et adversaires d'Auguste Sabatier, Philippot persistait dans son intention de devenir pasteur, alors il fallait l'accepter comme tel. Mais il devait, avant cela, avoir été informé des difficultés à venir. Philippot se décida, mais ne devint jamais pasteur. Souffrant le martyre d'une tumeur au cerveau, il se jeta dans la mer dans le port de Calais.
  Il y eut un épilogue, qui n'est peut-être pas perdu pour toujours. Ayant lu, au fil des échanges, les lettres que Mgr.Mignot écrivait à Philippot, Paul Sabatier s'adressa à l'évêque de Soissons pour lui demander de faire rechercher dans son diocèse, chez les héritiers de Philippot, la correspondance de l'archevêque, la plus belle apologie de la Religion catholique qu'il eût jamais lue, écrivait-il. L'évêque ne semble pas avoir répondu.
  On a par contre la correspondance échangée par les deux Sabatier en ces circonstances, et elle nous instruit sur leur niveau de confiance et d'amitié réciproques. Mais le plus naïf des deux n'était pas celui qu'ont pu penser leurs contemporains, à commencer par Philippot lui-même et jusqu'à la fille du Doyen, qui voyaient Paul Sabatier surtout occupé à soigner sa vigne et ses lapins. Or, rentrant crotté le soir, Paul était sensible au fait que Philippot ne l'accompagnait jamais au travail agricole et s'inquiétait auprès du Doyen d'un tel futur pasteur à la campagne. Le Doyen était plus indulgent.

Cet échange autorise, encore de nos jours, quelques réflexions d'historien sur le problème des relations avec le Catholicisme dans leur contexte français. Socialement, les relations fraternelles et publiques entre protestants et catholiques remontent aux lendemains de la Révolution. Les Protestants avaient pu être témoins de l'authenticité catholique, les Catholiques appréciaient l'esprit plus ouvert des Protestants. Qui lit par exemple le "Sillon" catholique, ou bien la presse protestante libérale, s'en convaincra aisément. Auguste Sabatier, dans le texte reproduit plus haut, donne l'image idéale de cette "catholicité nouvelle". Paul Sabatier est au-delà de ce problème théorique. Notre éducation a été différente et ce n'est la faute de personne. L'amour requiert la prudence.
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                                                        -Journalisme et politique

Là aussi, Mère Cévenne a inspiré nos deux grands ardéchois qui ont chéri l'Alsace. Mais avec des destinées différentes. Paul Sabatier aurait bien voulu être journaliste et ne le fut pas. Auguste fut l'un des plus grands journalistes de son temps, critique littéraire d'abord, au Journal de Genève, puis Rédacteur de Politique Générale du Temps, numéro 3 après les propriétaires du journal Adrien Hébrard père et fils à partir d'Avril 1882, autrement dit responsable des articles de fond du plus important organe de presse français. Certains de ses adversaires protestants, comme Gaston Frommel,   affectent même parfois de le considérer surtout comme journaliste -ce qu'il prend avec humour pour une insulte. Et la Direction du journal lui consacrera des reportages à la dimension d'un Chef d'Etat lors de sa mort prématurée le 12 avril 1901.
  Au mariage de sa seconde fille avec un gendre journaliste, et parlant de leur mission sociale, il disait
que le journal est l'Université populaire, où se traite la science des questions d'actualité, le haut lieu de la morale publique. Et la marque d'Auguste Sabatier s'y imprime dès sa prise de fonction.
 Le problème des grèves n'ayant guère perdu de son actualité en France, voyons Le Temps, 20/04/1882:

  Dans la grève de Roanne, dont un de nos correspondants particuliers vient de retracer l'histoire, le conflit entre les patrons
et les ouvriers paraît avoir porté surtout sur un point de principe, à savoir: les ouvriers d'une usine doivent-ils être admis à discuter les tarifs auxquels ils travaillent ? et les règlements auxquels ils sont soumis ? Il nous a paru intéressant d'examiner dans quelles conditions la question se présente aujourd'hui à notre avis. Elles sont toutes nouvelles, et il y a utilité pour tout le monde à s'en rendre un compte bien exact.
   Lorsque, par la loi du 25 mai 1864, l'Empire accorda aux ouvriers le droit de coalition, la concession fut beaucoup plus apparente que réelle, car le gouvernement pouvait reprendre le détail dans la pratique ce qu'il donnait en bloc en théorie: "Franchise absolue pour la coalition, mais punition des actes qui précèdent et accompagnent toute coalition": voilà notre système, disait Jules Favre. En effet, la presse n'était pas libre, les réunions étaient soumises au régime du bon plaisir, et la liberté d'association n'existait point. Or, sans journaux pour la soutenir, sans association pour l'organiser et lui servir de centre, sans réunions où les intéressés puissent se concerter, qu'est-ce qu'une coalition ? Un mot vide de sens. Aujourd'hui, avec les modifications profondes que la législation a subies dans le sens de la liberté et de l'égalité, ce mot a repris sa valeur, et au droit de coalition se sont ajoutés pour les ouvriers les moyens de l'exercer véritablement.
   Le parlement a voté l'année dernière les deux lois les plus libérales que nous ayons jamais eues en fait de presse et de réunions, et si on attend encore une loi sur le droit d'association, le gouvernement, d'accord avec l'opinion et devançant une réforme qui ne peut tarder, use en cette matière de la tolérance la plus complète comme si elle était dès à présent votée. Les ouvriers ont donc, maintenant, et le droit et les moyens de s'entendre et de se grouper pour la défense de leurs intérêts, et nous assistons depuis quelques années au mouvement considérable, et gagnant un centre industriel après l'autre, qu'a provoqué parmi eux le désir d'en profiter. Les patrons l'observent, les uns avec crainte, d'autres avec l'inquiétude qu'inspire l'inconnue contenue dans toute situation nouvelle; d'autres enfin en prennent résolument leur parti et emploient leur influence à lui imprimer la meilleure direction. Ces derniers sont évidemment les plus habiles en même temps que les plus sages.
  Aujourd'hui, l'autorité ne peut intervenir dans un conflit d'intérêts entre patrons et ouvriers, elle y assiste impartiale, n'ayant d'autre mission que de protéger la liberté de chacun. Il en résulte que, quand les ouvriers auront tiré toutes les conséquences des droits nouveaux dont ils sont investis, ils seront en état de discuter avec les patrons sur un pied d'égalité. Nous entendons par là que, réunis en syndicat et possédant des fonds de réserve, les ouvriers d'une même industrie constitueront une force capable de balancer dans une grève la puissance des patrons. Cette force que nous voyons naître est accompagnée presque toujours d'une grande inexpérience; aussi n'est-ce point sans une secrète appréhension que nous observons dans les grèves qui ont éclaté dans ces dernières années les causes qui peuvent contribuer à les rendre dangereuses. Nous n'avons pas besoin de dire que nous avons la plus grande confiance dans la liberté; ce dont nous avons souci, c'est que l'apprentissage que nous allons en faire ne soit ni trop long, ni surtout trop pénible pour notre industrie. Convient-il pour les patrons d'accepter franchement la situation nouvelle, vaut-il mieux en contrarier le développement par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, et ils sont nombreux et puissants ? La question a une portée politique dont on ne s'est peut-être pas assez occupé jusqu'ici, car il s'est constitué un parti dont le but avoué est de s'emparer de cette force ouvrière en formation.
  L'expérience des deux systèmes a déjà été faite un peu partout, et il nous semble que la réponse sort d'elle-même des résultats qu'ils ont donnés. Contester aux ouvriers le droit de discuter librement avec les patrons, essayer de les empêcher de se grouper, c'est aller contre la force des choses. Un droit inscrit dans la loi, quand il répond au besoin de toute une fraction de la population, a une tendance irrésistible à s'imposer dans la réalité. Rien ne saurait l'annuler, et il y a rarement profit à en gêner l'exercice. Il arrive ceci, en effet, c'est qu'après avoir refusé de discuter avec les ouvriers comme avec des égaux, on a été obligé d'y consentir, et qu'au lieu d'avoir affaire à des hommes calmes et conciliants on n'avait plus devant soi que des esprits irrités et aigris. il arrive ceci encore, c'est que, en dépit de l'opposition des patrons, les Chambres syndicales se constitueront quand même; mais au lieu de réunir tous les ouvriers d'une corporation, parmi lesquels l'élément laborieux et sage dominerait, elles ne se composent que des exaltés et des déclassés et deviennent de petits foyers de propagande socialiste. Les bons, intimidés et par l'attitude des patrons et par les sentiments des meneurs, se tiennent à l'écart, et au lieu d'un syndicat sérieux, rendu prudent et raisonnable par le sentiment de la gravité des intérêts qu'il représente, on a cette petite machine de guerre qui fait plus de bruit que de besogne tant que tout va bien; mais aussitôt qu'arrive la crise, ce noyau de violence, se trouvant seul organisé, prend la direction du mouvement et pousse tout à l'extrême.
   Elles inspirent bien des aversions, ces chambres syndicales; c'est toujours avec répugnance qu'un chef d'industrie verra s'organiser parmi les ouvriers une institution qui se donnera forcément un peu pour mission de contrôler sa conduite. Cependant, nous ne pouvons nous empêcher de penser que plus elles seront sérieusement constituées, et plus elles auront pour effet d'amortir les conflits entre patrons et ouvriers, au lieu de les irriter comme on le craint. Les comités des caisses de secours des houillères du Gard nommés à l'élection par les ouvriers sont composés des plus intelligents d'entre eux, disait-on à notre correspondant de Bessèges: pourquoi n'en serait-il pas de même des travaux des Chambres syndicales nommées de la même façon ? Cette intelligence n'est-elle pas une garantie de sagesse, et lorsqu'une question d'intérêt est soulevée, ne vaut-il pas cent fois mieux la régler avec ces hommes que la confiance de leurs camarades a désignés dans un moment de calme, qu'avec des délégués qui s'improvisent dans la grève sans qu'on sache toujours bien de qui ils tiennent leur mandat ?
   Ne vient-on pas de voir à Lyon la Chambre syndicale des tisseurs s'opposer à une tentative de grève fomentée par les socialistes? N'a-t-on pas vu qu'à Roanne, si les patrons et les ouvriers avaient pu se mettre en rapport les uns avec les autres avant que la grève ne fût déclarée, et discuter pacifiquement de leurs points de litige, la crise eût peut-être été évitée ?
    Qu'en faut-il conclure, sinon que dans cette transformation des rapports entre les patrons et les ouvriers qui s'opère sous l'influence de la législation nouvelle, l'intérêt bien entendu des patrons est d'éviter tout ce qui pourrait jeter les ouvriers aux mains des partis violents ? Nous voyons avec plaisir, du reste, que la situation commence à être comprise et abordée résolument en beaucoup d'endroits. Notre correspondant de Roanne citait l'entente qui existe à Lyon entre la Chambre syndicale des patrons et celle des ouvriers et des mécaniciens. A Paris même n'est-on pas frappé de ce qu'il y a de remarquable dans les rapports qui se sont établis entre l'Union nationale, qui comprend 88 chambres syndicales de patrons, et l'Union syndicale ouvrière, qui en comprend 35. Ce sont là des exemples convaincants que la libre discussion ne peut que faciliter l'accord entre les patrons et les ouvriers.

  Voilà pour un éditorial dans le journal connu pour être celui des Maîtres de Forges. C'est une réflexion sur les rapports d'au moins trois correspondants de Province, en plus de Paris. Et ce qu'on peut lire ici et là de Sabatier confirme l'ampleur de son information juridique et sociale. Le Directeur Hébrard disait de Sabatier qu'il était la conscience du journal. Rédacteur de politique générale et responsable des articles non signés, il aura sur la Société un regard en accord avec celui qu'il porte sur ses étudiants.

  Autre article le 26 avril, sur les réformes des Lycées, contre les méthodes répressives:

  Il nous semble qu'on pourrait instituer, dans nos lycées, deux moyens d'éducation fort en usage de l'autre côté du Rhin: Le premier, c'est ce que les Allemands appellent les Ansprachen, c'est à dire des entretiens familiers hebdomadaires, où le proviseur, à son défaut un professeur du lycée, en tout cas un homme d'autorité morale, s'adressant directement aux élèves réunis, prendrait texte des évènements survenus dans la semaine, de la biographie d'un homme célèbre, ou de quelque grande page d'histoire ou de poésie, pour faire vibrer le sentiment moral dans l'âme des jeunes gens...

  Bref, l'équivalent pour les Lycées du système de la Société Théologique à la Faculté du Boulevard Arago, comme aussi par son ami Félix Pécaut à l'Ecole Normale Supérieure de jeunes filles de Fontenay-aux-Roses qui vient d'être créée en 1880.
Le 12 mai, citant avec éloges un discours de Gambetta à une manifestation d'employés des chemins de fer:

   Il n'y a pas la question sociale; il y a des questions sociales, il y a une multitude de difficultés qu'il faut résoudre à force d'études, à force de bonne foi, à force d'amour du peuple !...

 Tout est dit.
                                                                   
                                                   IV   Les grands livres.

  Nous avons évoqué plus haut la Thèse sur L'apôtre Paul, et déjà dans Filum Arianum. Sabatier lui-même considérait que son travail principal était la rédaction de ses livres.
  Mon ancien et regretté camarade Jean Deprun, de l'Ecole Normale, était autrefois un athée déclaré. Devenu professeur de Philosophie en Khâgne, il découvrit un jour l'Esquisse d'une Philosophie de la Religion chez un bouquiniste de Marseille, la lut avec grand intérêt, étudia son auteur avec son érudition autrefois proverbiale, et publia une analyse de sa pensée philosophique (La pensée religieuse d'Auguste Sabatier, Annales de la Faculté des Lettres d'Aix,t.XLIV, 1966; publié aussi dans Evangile & Liberté du 15 janvier 1969). Peu de temps avant sa mort en 2006, devenu professeur à la Sorbonne, Deprun me demanda les références des grands textes de saint Paul sur l'amour.
  Il n'est pas indifférent de remarquer qu'à Aix résidait le Directeur d'Evangile & Liberté, Paul Richardot qui avait obtenu en 1936 le prix d'un concours institué à la Faculté de Théologie de Paris sur le thème de l'Actualité de la pensée de Sabatier.  Ces détails nous permettent de dire qu'entre 1936 et 1966 la pensée de Sabatier n'a pas été "oubliée". Il s'est agi de tout autre chose, mais qui n'a peut-être pas ici sa place. D'ailleurs, Deprun s'en charge:

(p.369) Le renouveau de l'esprit d'orthodoxie, l'essor du barthisme et du néo-calvinisme ont contribué, en milieu protestant, à cette occultation présente. Paradoxe ultime: l'idée de démythisation, directement issue de la théologie libérale, connaît actuellement dans notre pays une fortune certaine, associée -fort légitimement d'ailleurs- au nom de Rudolf Bultmann, sans que le lecteur français se rende toujours compte qu'il ne fait, en lisant ce dernier, que reprendre son bien. L'objet des pages qu'on va lire est de réagir contre cette éclipse imméritée et d'appeler l'attention sur une pensée où la critique la plus radicale débouche sur un réseau d'affirmations dont elle ne forme, tout au plus, que l'ombre portée.
(370) Au lecteur d'aujourd'hui, l'Esquisse et son prolongement logique, Les Religions d'autorité et la Religion de l'esprit, peuvent donner -surtout s'il est d'éducation catholique- l'impression dépaysante d'un amenuisement du message chrétien. L'auteur n'y tend-il pas à dépouiller le dogme de tout contenu déterminé ? Ne réduit-il pas son credo à l'affirmation de la paternité divine ? En fait, cette impression résulte d'un malentendu et s'efface vite. La philosophie religieuse de Sabatier n'est nullement défaitiste ou minimale: elle vise au contraire à élever la conscience religieuse de l'homme moderne à un niveau maximal d'intensité spirituelle et de lucidité. D'une part, en effet, Sabatier estime que la foi doit se définir de façon dynamique, comme un mouvement de l'âme et non comme une adhésion spéculative à des croyances; d'autre part, cette purification du concept de foi s'avère triplement positive: historiquement, elle replace le fidèle dans la tradition authentique de Jésus; philosophiquement, elle assure l'harmonie de la raison et de la sensibilité; moralement, elle concilie la soumission filiale à Dieu, génératrice d'hétéronomie, avec la volonté d'autonomie dont témoigne la culture moderne.

   Il est difficile d'être plus condensé, vu l'importance de ce petit article -dix pages. Bien sûr, tout n'est pas dit, ni parfait. Deprun me l'écrit d'ailleurs lui-même (21/01/1969) avec cette précision:

   J'ai l'impression que Bultmann, dont les mérites sont grands, a rendu au libéralisme un bien mauvais service en imposant à ses lecteurs (et peut-être à ses disciples ?) le vocabulaire et la pensée de Heidegger. Certes, Sabatier a lui-même usé d'un vocabulaire kantien en maint endroit de ses livres, mais on peut aisément -me semble-t-il- en faire abstraction. (Deprun est depuis 1967 à la khâgne du lycée Louis-le-Grand, et rédige une Thèse sur La philosophie de l'inquiétude en France au XVIII°s. qui fera date. Vrin 1979)

Deprun n'a pas développé cette analyse philosophique et théologique de la pensée de Sabatier. Le relai sera pris avec les travaux de M.Bernard Reymond à partir de sa Thèse "Auguste Sabatier et le procès théologique de l'autorité" (Lausanne 1976) et les autre ouvrages qui ont suivi.
Emile Poulat, dans sa Préface à ce livre, concluait qu'il tendait à "faire revivre Sabatier, le restituer à nos contemporains et les provoquer à la discussion d'une oeuvre sur laquelle était tombée la paix de l'oubli". Tel est évidemment l'objectif auquel tend à s'associer notre modeste contribution.

Mais on voit que Deprun, bien que professionnel de la Philosophie s'il en fut, a compris que la pensée de Sabatier s'inscrit dans une perspective plus large sur laquelle il ne s'étendra pas (le cadre laïc de ce travail ne le permettait pas: un exposé pour un 2° cycle organisé par le Doyen Bernard Guyon en 1965). Il indique seulement, au bout de sa route, le "fait spirituel authentique:la puissance du dévouement absolu"(p.379). En terminant ainsi, Deprun retrouve la définition du ministère pastoral telle que Sabatier la concluait pour ses étudiants dans son premier discours en tant que doyen, cité plus haut, évoquant les "serviteurs inutiles"(Luc 17,10): L'acte chrétien spécifique, libre, puissant, est celui qui va au-delà de ce qui a été commandé.
 
C'est pourquoi, en face de l'Esquisse (1897), j'éprouve le sentiment qu'éprouvèrent ses étudiants de Paris, et aussi bien d'autres lecteurs dont de nombreux prêtres catholiques, qu'il fut écrit pour moi. Sentiment subjectif, certes, mais créateur de communion, et c''est ce qu'exprima  l'étudiant qui fut le dernier à prendre la parole à ses obsèques (1901), Charles Lelièvre. Il parle de lui comme d'un père:

  Si ce fut notre ami dans l'intimité et à ces heures où chacun de nous pouvait aller lui ouvrir son coeur, il fut aussi notre ami par l'esprit; son désir et sa joie fut toujours d'éveiller la pensée des nombreux jeunes gens qui venaient l'écouter et s'instruire auprès de lui. C'était là la préoccupation de chacune de ses leçons et nous n'oublions pas que le beau livre qu'il publiait il y a déjà quatre ans était dédié avant tout à la jeunesse. Aussi sont-ils nombreux ceux qui se souviennent en ce jour qu'ils doivent à M.Auguste Sabatier leur passion pour la libre recherche de la vérité. Mais les heures où nous avons  peut-être le plus apprécié l'affectueuse sympathie avec laquelle il s'offrait à nous pour guider nos recherches sont celles qu'il consacrait régulièrement à réunir chez lui notre petite Société de Théologie. C'est là, dans de libres et familières conversations, que nous apprîmes tous à connaître véritablement notre maître vénéré...

Le Doyen terminait ces réunions par la prière. Et, disait Etienne Causse, "il priait comme une vieille pentecôtiste ardéchoise !"

                                                                 Conclusion

  On doit pardonner à Emile Poulat les derniers mots de sa préface au premier livre de M.Bernard Reymond. Il n'y avait pas d'oubli, encore moins de paix. Sabatier fut ici un modèle de générosité. Mais il souffrit, et l'exprima en un temps où il crut l'existence de la Faculté menacée. Il écrit à John Viénot, le 22 février 1890:
      Paris orthodoxe nous condamne sans appel, Nismes libéral nous repousse. X. nous accuse de faire des libéraux, Y. par contre ne nous pardonne pas de ne faire, à son avis, que des synodaux (note MC: "orthodoxes"). On me dit qu'au pays de Montbéliard on nous lâche aussi. Z. veut envoyer ses protégés à Genève; T. les siens à Montauban. Batignolle se ferme hermétiquement, Tournon ne s'est jamais ouvert, Samuel Vincent est rivé à Genève par la question d'argent. La loi militaire va nous ravager l'année prochaîne. Aurons-nous 15 étudiants ? Nous périssons. Il faut que ce soit eux qui nous défendent devant l'Eglise et écartent les murailles d'interdits qui se resserrent sur nous et vont nous étouffer.
     Si nos anciens élèves ne peuvent faire cela, alors c'est que nous n'avons pas mérité de vivre et nous devons disparaître.

 Ils le firent, et la Faculté survécut. Cette aventure est évoquée dans notre étude évoquée plus haut,  Le combat de T.Fallot (ETR 1973). Mais on comprend ici pourquoi le même John Viénot ne publia jamais la seconde partie de son livre sur Auguste Sabatier. Sa biographie s'arrête à 1879. On n'aime pas parler à l'extérieur des trahisons d'amour dans sa famille. J'ai préféré taire les noms de X, Y, Z, et T. Deux au moins d'entre eux devinrent par la suite disciples d'Auguste Sabatier. Là, il FAUT oublier.
                                                                          x
   L'oeuvre s'achève avec Les Religions d'autorité et la Religion de l'Esprit, 1904, posthume. Se clôt ainsi le siècle commencé avec Samuel Vincent, et dans le même esprit. Les déchirements de notre famille protestante sont peut-être une honte, mais la foi chrétienne est celle d'une honte dominée. Saint Paul ne se cache pas, au contraire, d'avoir persécuté. Telle est notre communauté, unique dans le monde chrétien, issue d'une si longue résistance à la persécution. C'est à cette résistance, et non à la théologie, qu'est due la Liberté de Conscience, véritable carte d'identité du Protestantisme Français.
  Auguste Sabatier lui a fourni sa théologie spécifique, adaptée à une Liberté de Conscience que les Réformateurs du XVI° siècle condamnaient encore. Cette théologie complétait, grâce à l'expérience de nos déchirements internes, une pensée en harmonie avec celle de Samuel Vincent, et elle valait pour le monde. C'est ce qu'exprime Sabatier dans sa lettre-préface à la traduction suédoise de l'Esquisse par N.Söderblom:      

  Puisse ce livre que vous donnez à vos compatriotes leur apporter dans une mesure qu'il plaira à Dieu de déterminer une intelligence plus claire, surtout un souci plus ardent de ces biens spirituels et moraux que le Christ comprenait sous ces mots "le Royaume de Dieu" et dont l'intime possession donne aux plus humbles comme au plus grand la force de vivre, de combattre, de souffrir et de mourir avec la paix de l'âme.

                                                                                             Maurice Causse, Saintes, 1er Février 2013.


                                                           Maurice CAUSSE





















                         A u g u s t e   S A B A T I E R
                           
                                                               1839-1901



















                                                                               Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur
                                                                                           du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude
                                                                                           brilleront comme des étoiles, à toujours et à perpétuité.
                                                                                              Sur la tombe d'Auguste Sabatier, à Vallon, Ardèche. (Daniel 12,5)
                                                                       

                                                                                                                  Saintes, 1er Février 2013
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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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                      Maurice CAUSSE



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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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                      Maurice CAUSSE



               Auguste SABATIER



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               Auguste SABATIER



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